Un sourire ou un bonjour (les deux à la fois, c'est encore mieux)

entete article un sourire ou un bonjour Confidences VcommeSamedi

Le sourire, c'est si peu. Et c'est tellement.
Je l'ai toujours donné sans compter et lui ai toujours accordé une place essentielle.

 

En octobre dernier, j’ai passé une après-midi à sensibiliser à une cause qui m’est chère, le handicap, et à récolter des fonds destinés à la recherche médicale. Quelques heures passées à l’entrée d’un supermarché parisien, à tenter d’attraper le regard, de susciter l’intérêt, d’engager un échange. Quelques heures pour quelques secondes d’écoute.

La lumière d'un sourire


article un sourire ou un bonjour femme sourire lumiere Confidences VcommeSamediJ’aime être auprès des gens. Mais aller à leur rencontre ainsi que je l’ai fait ce jour-là est un exercice périlleux. S’exposer aux regards et devoir quémander l’attention n’est pas aisé. Loin de là. Aborder des inconnus qui passent sans s’attendre à ce qu’on les interpelle nécessite une mise en sommeil de ses émotions négatives.
Les belles émotions, on les laisse surgir avec bonheur quand à un sourire répond un sourire.
Quand un bonjour récolte à son tour un bonjour.
Quand des questions pointent, timidement ou plus directement.
Quand on trouve une oreille attentive et bienveillante.
Quand un échange se crée.

Selon les réactions de chacun(e), j’ai dû tour à tour m’effacer ou me mettre en avant, laisser passer sans mot dire ou acueillir par la parole, composer avec l’indifférence ou me réjouir d’un instant d’attention.

Mais sur mes lèvres se dessinait toujours un sourire. Un sourire franc. Un sourire sincère. Un sourire bienveillant. Tout sauf attirer la pitié ou mettre mal à l’aise.

Et de ma bouche sortait toujours un bonjour. Un bonjour franc. Un bonjour sincère. Un bonjour bienveillant, assorti tantôt d’un « Madame » tantôt d’un « Monsieur ». Tout sauf faire en sorte que l’on me reproche ne serait-ce qu’une once d’incorrection qui justifierait à elle seule le rejet, le reproche ou l’indifférence.

Des réactions que je comprends


Pourtant, de l’indifférence, j’en ai reçu. Maquillée en un regard ostensiblement détourné. Je comprends.
De l’exaspération aussi. À peine masquée par un regard levé au ciel. Je comprends.
Du dédain parfois. Froidement déguisé en un regard fixé droit devant. Je comprends.
De la gêne enfin. Camouflée derrière un regard baissé vers le sol. Je comprends.

Oui, je comprends toutes ces réactions car elles ne sont rien d'autre que le reflet de ce que chacun.e vit. On n’a jamais envie que quelqu’un vienne nous déranger alors que l’on vient faire ses courses. C’est gênant. C’est culpabilisant. C’est intrusif.
Chacun.e a peut-être passé une journée difficile. Chacun.e a peut-être connu un moment douloureux. Chacun.e a peut-être vécu une situation désagréable. Chacun.e a peut-être connu la souffrance, la tristesse, la maladie, la fatigue, le ras-le-bol, l’envie de rien, la colère.
En pénétrant dans ce supermarché, chacun.e n’aspirait, je le devine aisément, qu’à être tranquille car pressé.e, pas le temps, agacé.e), épuisé.e, la tête ailleurs. Je comprends tout cela pour avoir moi-même déjà vécu ce genre de moments.

C’est pourquoi mon sourire et mon bonjour ont toujours été offerts avec générosité.
Pour signifier que je n’étais pas là pour importuner - même si c’est la première chose que les clients du supermarché ont pensée en me voyant et en m’entendant m’adresser à eux.
Pour signifier que je n’étais pas là pour accaparer trop longtemps - même si quelques-uns se sont dit qu’ils n’avaient pas que ça à faire.
Pour signifier que je n’étais pas là pour faire culpabiliser quiconque - même si c’est ce que certains ressentaient.
Pour signifier que je n’étais pas là pour faire perdre du temps - même si beaucoup en ont trop peu ou le jugent trop précieux pour être gâché par quelques secondes d’écoute.
Pour signifier que je n’étais pas là pour ruiner qui que ce soit - même si d’aucuns estiment qu’un don de plus, c’est beaucoup.
Pour signifier que je n’étais pas là pour obliger à quoi que ce soit - même si nombreux étaient ceux qui estimaient que ce jour-là était la sollicitation de trop.

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Un sourire, c'est à la fois si peu et tellement


Si j’ai attendu et accueilli chacun et chacune avec mon sourire et mon bonjour, c’était surtout pour signifier qu’offrir un peu de mon temps - de son temps - est important. Important et finalement pas grand-chose.

C’était surtout pour signifier qu’un sourire ou un bonjour - ou les deux à la fois - ce n’est pas grand-chose. Vraiment. Ce n’est pas grand-chose et pourtant c’est beaucoup.
C’est plus que beaucoup : c’est merveilleux.
C’est plus que merveilleux : c’est essentiel.
Et cela fait tellement de bien.
A celui qui reçoit bien évidemment.
Mais aussi - et on a souvent tendance à l’oublier - à celui qui donne.

Car recevoir et donner un sourire apaise.
Recevoir et donner un sourire gomme la tristesse.
Recevoir et donner un sourire atténue les tensions.
Recevoir et donner un sourire ouvre à autrui.
Recevoir et donner un sourire ensoleille le moindre instant.

Ce sourire, beaucoup de personnes me l’ont adressé.
Elles étaient parfois gênées - mais comment leur en vouloir ?
Elles étaient parfois pressées - mais comment leur en tenir rigueur ?
Elles étaient parfois intéressées - et alors quelle joie j'ai éprouvée !

Je remercie du fond du cœur toutes ces âmes qui, avec le sourire, ont accepté de me donner à leur tour un peu de leur temps.
Je remercie du fond du cœur toutes ces âmes qui, sans le sourire, ont dû composer avec ma présence - aussi discrète fût-elle.
Puissent-elles, la prochaine fois, donner.
Ne serait-ce qu’un instant d’écoute.
Ne serait-ce qu’un mot.
Ne serait-ce qu’un regard.
Ne serait-ce qu’un sourire.
Surtout un sourire.
Même petit. Même timide.
Même si elles manquent d’argent, de disponibilité d’esprit, d’énergie, d’envie.
Qu’elles offrent un sourire. Juste un sourire.
C’est de loin le plus simple - et le plus joli - don qu’elles puissent faire.

Il n'y a pas de petit don

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L'idée de cet article m'est venue durant l'action de sensibilisation menée en partenariat avec Microdon au profit de l'association Autour des Williams que je soutiens fièrement depuis treize ans à présent. J'avais débuté l'écriture de ce texte dès mon trajet retour et l'avais achevée le soir-même. Il m'était apparu évident - et indispensable - de coucher sur le papier tout ce que j'avais ressenti durant ces quelques heures et de rappeler une chose essentielle : il n'y a pas de petits dons. Il y a des dons ou il n'y en a pas.

Une belle leçon de vie 


En rédigeant ces lignes sur le sourire, je ne peux m'empêcher de penser à celui d'une femme que je croise toutes les semaines, parfois plusieurs fois la même semaine. Elle est toujours postée au même feu rouge. Par tous les temps. En toutes saisons. Elle fait la mendicité. Mais surtout elle sourit. Quand on prend la peine de la regarder - mais encore faut-il oser le faire - on ne voit plus une personne qui passe de véhicule en véhicule en tendant la main : on ne voit que son sourire, franc, authentique, généreux, doux. Même si les vitres ne s'abaissent pas, elle continue à l'offrir, sans jamais s'imposer, sans jamais déranger, sans jamais mettre mal à l'aise.

A chaque fois que j'approche du feu, je me demande si je la verrai. Car son sourire me fait un bien fou. En retour, je lui offre le mien, ce dont elle me remercie à chaque fois du regard ou d'un sourire encore plus grand. Parfois, je lui donne des pièces et là son sourire illumine ses yeux. Elle s'avance et me gratifie de mots empreints d'une profonde reconnaissance. Je ne peux guère faire plus pour elle. Mais je me dis que, finalement, ce n'est déjà pas si mal. Et que si chacun pouvait faire un aussi joli don, le monde irait peut-être un peu mieux.

C'est Noël aujourd'hui. Un jour de fête pour la plupart, un jour comme un autre pour d'autres, un jour teinté de tristesse pour certains touchés par la douleur. J'espère juste, avec mes mots, réussir à convaincre chacun de donner, de temps à autre, un peu de soi.

Un sourire par exemple.


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